jeudi 28 juin 2012

Épitaphe, de Tristan Corbière

ABC a mis ce second jeudi en poésie du défi n°84 des CROQUEURS DE MOTS sous le signe de la personne.

Tristan Corbière, 1845 - 1875, a publié un unique recueil de poèmes de son vivant et ne connut qu'un succès posthume. Affligé d'un rhumatisme articulaire aigu dès l'âge de 14 ans qui l'empêcha de vivre, il a écrit sa propre épitaphe avec un sens aigu de l'auto-dérision, jusque dans le choix de son prénom de plume.


ÉPITAPHE


Sauf les amoureux commençans ou finis qui veulent commencer par la fin il y a tant de choses qui finissent par le commencement que le commencement commence à finir par être la fin la fin en sera que les amoureux et autres finiront par commencer à recommencer par ce commencement qui aura fini par n’être que la fin retournée ce qui commencera par être égal à l’éternité qui n’a ni fin ni commencement et finira par être aussi finalement égal à la rotation de la terre où l’on aura fini par ne distinguer plus où commence la fin d’où finit le commencement ce qui est toute fin de tout commencement égale à tout commencement de toute fin ce qui est le commencement final de l’infini défini par l’indéfini — Égale une épitaphe égale une préface et réciproquement
(Sagesse des nations)



Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse.
S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse :

— Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. —

Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut un arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout.

Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ;
De l’or, — mais avec pas le sou ;
Des nerfs, — sans nerf. Vigueur sans force ;
De l’élan, — avec une entorse ;
De l’âme, — et pas de violon ;
De l’amour, — mais pire étalon.
— Trop de noms pour avoir un nom. —

Coureur d’idéal, — sans idée ;
Rime riche, — et jamais rimée ;
Sans avoir été, — revenu ;
Se retrouvant partout perdu.

Poète, en dépit de ses vers ;
Artiste sans art, — à l’envers,
Philosophe, — à tort à travers.

Un drôle sérieux, — pas drôle.
Acteur, il ne sut pas son rôle ;
Peintre : il jouait de la musette ;
Et musicien : de la palette.

Une tête ! — mais pas de tête ;
Trop fou pour savoir être bête ;
Prenant pour un trait le mot très.
— Ses vers faux furent ses seuls vrais.

Oiseau rare — et de pacotille ;
Très mâle … et quelquefois très fille ;
Capable de tout, — bon à rien ;
Gâchant bien le mal, mal le bien.
Prodigue comme était l’enfant
Du Testament, — sans testament.
Brave, et souvent, par peur du plat,
Mettant ses deux pieds dans le plat.

Coloriste enragé, — mais blême ;
Incompris… — surtout de lui-même ;
Il pleura, chanta juste faux ;
— Et fut un défaut sans défauts.

Ne fut quelqu’un, ni quelque chose
Son naturel était la pose.
Pas poseur, — posant pour l’unique ;
Trop naïf, étant trop cynique ;
Ne croyant à rien, croyant tout.
— Son goût était dans le dégoût.

Trop crû, — parce qu’il fut trop cuit,
Ressemblant à rien moins qu’à lui,
Il s’amusa de son ennui,
Jusqu’à s’en réveiller la nuit.
Flâneur au large, — à la dérive,
Épave qui jamais n’arrive…

Trop Soi pour se pouvoir souffrir,
L’esprit à sec et la tête ivre,
Fini, mais ne sachant finir,
Il mourut en s’attendant vivre
Et vécut, s’attendant mourir.

Ci-gît, — cœur sans cœur, mal planté,
Trop réussi — comme raté.

Tristan Corbière, Les amours jaunes, 1873


mercredi 27 juin 2012

Jésabelle, belle oursonne

C'est le dernier prénom à fêter à la Cour de récré de JB pour la saison 3. Mais rassurez-vous, Jill Bill a déjà prévu une liste jusqu'à la fin de 2012 !

Inspiré par une alerte reçue dans ma boite mel, retransmise par Clio48

lundi 25 juin 2012

Défi n°84 : "Autour de soi-même"

Pour le défi n°84 des CROQUEURS DE MOTS, c'est ABC qui a pris la barre pour faire le tour du monde (1er jeudi en poésie) et de la personne (2nd jeudi en poésie), en passant par le tour de soi-même en 80 mots.

jeudi 21 juin 2012

En sortant de l'école, de Jacques Prévert

Pour le 1er jeudi en poésie du défi n°84 des CROQUEURS DE MOTSABC a donc l'intention de nous emmener avec elle découvrir 


Alors, c'est vrai, mon premier réflexe a été d'associer le titre du défi "autour de soi-même" au monde et d'en faire l'envie d'un tour du monde. Avec le réveil d'une chanson dans ma tête, apprise à l'école et reprise à tue-tête dans la cour de notre maison de fonction, entre une partie de saut à la corde et la cueillette des premières cerises ... avant que "mon" cerisier ne cède la place à un nouveau bâtiment.

Je suppose que je ne serai pas la seule à faire ce choix, mais là, je ne résiste pas à le mettre en ligne


En sortant de l'école

En sortant de l'école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré

Tout autour de la terre
nous avons rencontré
la mer qui se promenait
avec tous ses coquillages
ses îles parfumées
et puis ses beaux naufrages
et ses saumons fumés

Au-dessus de la mer
nous avons rencontré
la lune et les étoiles
sur un bateau à voile
partant pour le Japon
et les trois mousquetaires
des cinq doigts de la main
tournant la manivelle
d'un petit sous-marin
plongeant au fond des mers
pour chercher des oursins

Revenant sur la terre
nous avons rencontré
sur la voie de chemin de fer
une maison qui fuyait
fuyait tout autour de la terre
fuyait tout autour de la mer
fuyait devant l'hiver
qui voulait l'attraper

Mais nous sur notre chemin de fer
on s'est mis à rouler
rouler derrière l'hiver
et on l'a écrasé
et la maison s'est arrêtée
et le printemps nous a salués

C'était lui le garde-barrière
et il nous a bien remerciés
et toutes les fleurs de toute la terre
soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers
sur la voie de chemin de fer
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer

Alors on est revenu à pied
à pied tout autour de la terre
à pied tout autour de la mer
tout autour du soleil
de la lune et des étoiles
A pied à cheval en voiture
et en bateau à voiles.

Jacques Prévert, extrait de Histoires, 1946
mis en musique par Joseph Cosma,1946

Jacques Prévert, 1900 - 1977
Joseph Cosma, 1905 - 1969 

Et, comme vous me connaissez un peu, (un tout petit peu), j'ai voulu aller voir plus loin que les méandres de ma mémoire (non, je ne connais plus par coeur tout le texte, mais j'avais de beaux restes), j'ai tapé dans Google cette requête :
"poème autour du monde", transformé par le moteur de recherche en quelques termes techniques et =poème+autour+du+monde

Au premier clic j'ai trouvé Poésie autour du monde, et ma matinée de mercredi en a été (ré?) enchantée.


dimanche 17 juin 2012

Voyelles, d'Arthur Rimbaud

Ce pourrait être un complément aux Anges de ce mardi pour Ombre et lumière.
Ce pourrait être un supplément à l'envie de changer d'air aux CROQUEURS DE MOTS, quand des relents nauséeux remontent à la surface de ce qui devrait être Les Belles Lettres du temps et qui peuvent l'être quand les Académiciens font des choix courageux.

Rimbaud a traversé son temps en poésie brièvement mais ses poèmes traversent et traverseront justement les siècles. Il n'a pas eu le temps d'être académicien. L'aurait-il été en ce temps-là ? rien n'est moins sûr. Où alors pour une évolution qu'il n'a pas écrite et dont il nous a épargné la lecture.

Voyelles est sans doute l'un de ses poèmes les plus célèbres.



Voyelles


A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -



Quelques précisions intéressantes sur ce poème ICI
mais aussi à la lumière des avancées de la science neurobiologique en lisant Embrasser le ciel immense, de Daniel Tammet, où il évoque la synesthésie.


Coppée (pas le politicien actuel), mais se prénommant presque pareil, un poète académique du XIXè siècle devenu académicien, fort justement oublié comme beaucoup d'anciens "immortels"

l'un des plus ardents accusateurs de Dreyfus vous savez, l'Affaire dreyfus, ... Zola , J'accuse ...

a osé commettre ce médiocre pamphlet en même temps qu'il vantait les mérites de son père, humble, ne se plaignant jamais, besogneux et acceptant, parce que c'était écrit, parce que Dieu le voulait, d'être pauvre, sans jamais évoquer qu'il était, ce qui était pourtant une vérité encore plus criante que maintenant, exploité ainsi que ses semblables.

La confrontation des deux textes me semble se passer de commentaires



Rimbaud, fumiste réussi,
Dans un sonnet que je déplore,
Veut que les lettres O, E, I
Forment le drapeau tricolore.
En vain le décadent pérore,
Il faut sans « mais », ni « car », ni « si »
Un style clair comme l'aurore :
Les vieux Parnassiens sont ainsi.
François Coppée, 1874

lundi 11 juin 2012

Défi n°83 : "Quand venait l'orage"

Oui M'annette, je ne suis pas une croqueuse toujours très disciplinée. On dit que j'ai de l'imagination mais je puise largement dans mes observations tout ce que j'écris. Et ta proposition de défi pour les CROQUEURS DE MOTS me pose plein de problèmes car, vois-tu, je ne connais pas la Corse, encore moins donc Bonifacio.