jeudi 8 novembre 2012

Auprès de leurs arbres ...

... Musset, Saint Pol Roux, Brassens, Rouzaud et Monet

Si Enriqueta, à la barre de la coquille des CROQUEURS DE MOTS pour le défi n°89, nous a donné un rendez-vous en poésie, puis convié  à revisiter un petit lieu ... c'est sans doute pour mieux nous (me) ramener "auprès de mon arbre".


Pas facile de faire un choix pour illustrer un sujet qui a beaucoup et diversement inspiré, sous de nombreuses métaphores.

Pourtant, puisque mes pas m'ont conduit lundi vers la rue Mercoeur et la rue Montlouis, celles et ceux qui connaissent un peu Paris savent qu'en haut de la rue Montlouis, un peu à gauche, c'est l'entrée principale du cimetière du Père Lachaise, dans la rue bien nommée rue du repos.
Un autre lieu, tout sauf banal certes, objet de promenades quand j'étais en vacances chez ma Marraine et mon Parrain. C'est lors de ces sorties souriantes (mais oui !), que j'ai fait connaissance avec le Saule d'Alfred de Musset, donnant consistance à ce qui n'était qu'une image dans le poème - élégie Lucie.


Mes chers amis, quand je mourrai, 
Plantez un saule au cimetière. 
J'aime son feuillage éploré ; 
La pâleur m'en est douce et chère, 
Et son ombre sera légère 
À la terre où je dormirai.
Alfred de Musset, Lucie - Elégie, prologue et épilogue, poésies nouvelles, 1850


Et dans la foulée, pendant que nous sommes encore dans la proximité du 1er ou du 2 novembre, j'avais envie de rendre hommage à tous ces arbres des cultures que sont les poètes, à travers le très beau texte de Saint Pol Roux


La lecture audio est légèrement tronquée. en voici le début :


Allez bien doucement Messieurs les Fossoyeurs.

Allez bien doucement, car ce cercueil n'est pas comme les autres où se trouve un bloc d'argile enlinceulé de langes, celui-ci recèle entre ses planches un trésor que recouvrent deux ailes très blanches comme il s'en ouvre aux épaules fragiles des anges.

Allez bien doucement Messieurs les Fossoyeurs.

Allez bien doucement, car ce coffre, il est plein d'une harmonie faite de choses variées à l'infini : cigales, parfums, guirlandes, abeilles, nids, raisins, cœurs, épis, fruits, épines, griffes, serres, bêlements, chimères, sphinx, dés, miroirs, coupes, bagues, amphores, trilles, thyrse, arpèges, marotte, paon, carillon, diadème, gouvernail, houlette, joug, besace, férule, glaive, chaînes, flèches, croix, colliers, serpents, deuil, éclairs, boucliers, buccin, trophées, urne, sourires, larmes, rayons, baisers, or, tout cela sous un geste trop prompt pourrait s'évanouir ou se briser.

Allez bien doucement Messieurs les Fossoyeurs.

Allez bien doucement, car si petit qu'il soit de la taille d'un homme, ce meuble de silence renferme une foule sans nombre et rassemble en son centre plus de personnages et d'images qu'un cirque, un temple, un palais, un forum ; ne bousculez pas ces symboles divers pour ne pas déranger la paix d'un univers.

Allez bien doucement Messieurs les Fossoyeurs.

Allez bien doucement, car cet apôtre de lumière, il fut le chevalier de la beauté qu'il servit galamment à travers le sarcasme des uns et le crachat des autres, et vous feriez dans le mystère sangloter la première des femmes si vous couchiez trop durement son amant dans la terre.

[...]
Saint-Pol-Roux, Pour dire aux funérailles des poètes, écrit et publié en ???

Coïncidence ? j'ai fait replay au lecteur de cd qui contenait encore une compilation des chansons de l'année 1956 ... (Anthologie de la chanson française enregistrée, Les années 1950-1960, Universal - EPM)
Et j'ai commencé à mettre en forme le billet de demain exactement sur la plage 17, celle où Georges Brassens chante justement Auprès de mon arbre, qu'enfant, je connaissais par cœur.

Mon oreille a été attrapée par la chanson qui suit, toujours de Brassens : Le Testament. On reste dans l'ambiance ... puisque la chanson commence ainsi

Je serai triste comme un saule
Quand le Dieu qui partout me suit
Me dira, la main sur l'épaule
"Va-t'en voir là-haut si j'y suis"
Alors, du ciel et de la terre
Il me faudra faire mon deuil
Est-il encor debout le chêne
Ou le sapin de mon cercueil
[...]
Georges Brassens, Le testament, 1956

Sûr qu'il pensait au saule de Musset et à son chêne en écrivant celle-ci ...

Puis par la suivante L'Homme et l'enfant, de René Rouzaud (parolier) et Wayne Franklin (compositeur), chantée par Eddi et Tania Constantine.

"Mon enfant ne pars pas, ne pars pas pour ailleurs
L'oiseau bleu il est là cherche bien dans ton cœur"
(Nous sommes encore dans le sujet je crois bien; Ecoutez bien les dernières réponses d'Eddie Constantine)

L'occasion de prolonger mon hommage à ces poètes le plus souvent méconnus que sont les paroliers des grandes chansons, et notamment à René Rouzaud qui écrivit de très nombreuses chansons entre 1930 et 1950 (dont la goualante du pauvre Jean, pour Edith Piaf)

En illustration, des saules pleureurs sur les nymphéas du jardin de Claude Monet à Giverny
parce que la peinture est une autre forme de la poésie ...

Alfred de Musset, poète, 1810 - 1857
Saint Pol Roux, poète, 1861 - 1940
Georges Brassens, auteur compositeur interprète et poète, 1921 - 1981
René Rouzaud, parolier (poète), co-fondateur de la SACEM, 1905 - 1976
Claude Monet, artiste-peintre, 1840 - 1926