lundi 19 novembre 2012

Défi n°90 : "Un mot pour un autre"

Le défi n°90 des CROQUEURS DE MOTS est lancé depuis la coquille deSuzâme (avec une petite pensée pour Tricôtine)

En voici la consigne  :

C’est la fête sur le bateau, sur la place ou n’importe où (île, autre planète).
Il y a de l’ivresse dans l’air. Certains dansent et titubent et surtout l'animateur dit n'importe quoi en confondant les mots.
Ecrire un texte sous la forme de votre choix (présentation d’un spectacle, monologue, poésie, chanson ou dialogue)  en substituant et répétant un mot et un seul qui n’a aucun rapport avec le mot correct. Ce mot de remplacement s’en approche par le son, une ou deux syllabes et cela amène un texte décalé, amusant, et non dénué de sens … et cela devient un quiproquo rigolo.

C'était la tradition : la rosière devait ajouter quelques remerciements au discours de la douairière, du maire et du curé … ou du maire, du curé et de la douairière. Elle ne se souvenait plus dans quel ordre ils entreraient en scène. On disait qu'il y aurait le sous-préfet et même le sénateur. Ce qu'elle en savait, c'est qu’au premier rang les sots ne se retiendraient que les premières minutes ; qu'à son tour, les sots couvriraient son compliment. Les sots auraient peu d'importance. Il fallait pourtant s'y préparer.
Elle avait beaucoup de mal à discipliner les sots. Ils l'assaillaient en nombre à chaque fois qu'elle cherchait à exprimer ses réflexions et leur intrusion provoquait une sacrée pagaille.
Il y avait des sots neutres ou passifs, réduits au flou du silence, des sots hésitants, plein de confusion, des sots trompeurs, plein de miel ou de fiel. Elle essayait bien de leur faire entendre raison. Les sots, avec elle, se cognaient dans une mêlée impensable.
Les interpellait-elle en questions ? Des sots se défilaient en négations quand les plus éloquents s'imposaient en exclamations. Ils se faisaient impératifs, péroraient dans les subjonctifs, évidemment mal maîtrisés. Submergée sous leurs assauts, elle se mettait à douter, refoulait sa pensée dans les plis obscurs et denses de son ailleurs imaginaire. Là, elle ne les craignait plus, dans l'assourdissant discours sans sots de la forêt vierge, analphabète, peut-être, mais si riche de son immense culture.
Là elle laisserait les sots s'égosiller à tue-tête sans l'atteindre. Là, la somme des sots s'annuleraient. Là, elle se retrancherait dans le silence des sots qui se seraient enfin tus.