vendredi 13 septembre 2013

Un feu sans tache, de Paul Eluard

deuxième poésie du jeudi (thème libre) pour le défi n°106 des CROQUEURS DE MOTS, proposé par Tricôtine.

Pour toutes sortes de convergences qu'il serait long et indiscret de vous conter ici, j'ai choisi ce poème de Paul Eluard, dont je n'ai pas trouvé la date d'écriture. Il pourrait aussi bien avoir été écrit sous le feu des tranchées que pendant la seconde guerre mondiale.
Quoiqu'il en soit, il est intégré dans la Cantate de Francis Poulenc, Figure humaine, sur des poèmes de Paul Eluard dont il constitue le 7ème et avant-dernier mouvement sous le titre La menace sous un ciel rouge.
Cette cantate a été achevée à la fin de l'été 1943. La rencontre entre Poulenc et Eluard et l'envie de réunir poèmes et musique date de 1915-1916.


UN FEU SANS TACHE

La menace sous le ciel rouge
Venait d'en bas des mâchoires
Des écailles des anneaux
D'une chaîne glissante et lourde

La vie était distribuée
Largement pour que la mort
Prît au sérieux le tribut
Qu'on lui payait sans compter

La mort était le dieu d'amour
Et les vainqueurs dans un baiser
S'évanouissaient sur leurs victimes
La pourriture avait du cœur

Et pourtant sous le ciel rouge
Sous les appétits de sang
Sous la famine lugubre
La caverne se ferma

La terre utile effaça
Les tombes creusées d'avance
Les enfants n'eurent plus peur
Des profondeurs maternelles

Et la bêtise et la démence
Et la bassesse firent place
A des hommes frères des hommes
Ne luttant plus contre la vie

A des hommes indestructibles.
Paul Eluard
mis en musique par Francis Poulenc : La menace sous un ciel rouge,
7e mouvement de la cantate Figure humaine

détail d'un portail de la cathédrale de Chartres

En hommage à Albert Jacquard, l'un de mes maîtres à penser, décédé le 11 septembre 2013

« Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle. La vérité ne se possède pas, elle se cherche. »
Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, 1998

Figure humaine, Francis Poulenc et Paul Eluard