jeudi 13 février 2014

La gazette, selon Baudelaire

2e jeudi en poésie sous la houlette de Jill Bill qui a laissé les CROQUEURS DE MOTS complètement débridés pour ce défi n°116
 Juste l'envie de m'inspirer du 2nd tableau proposé par Jill Bill, celui de Edward Hopper. 

L'homme lit le journal du matin, la femme égrenne quelques notes sur le piano tandis qu'à la radio une voix récite le poème de Robert Desnos, L'oiseau du Colorado en me souvenant d'extraits du Journal de Baudelaire déjà évoqués sur ce blog 

Il est impossible de parcourir une gazette quelconque, de n'importe quel jour, ou quel mois, ou quelle année, sans y trouver, à chaque ligne, les signes de la perversité humaine la plus épouvantable, en même temps que les vanteries les plus surprenantes de probité, de bonté, de charité, et les affirmations les plus effrontées, relatives au progrès et à la civilisation.
Tout journal, de la première ligne à la dernière, n'est qu'un tissu d'horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d'atrocité universelle.
Et c'est de ce dégoûtant apéritif que l'homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l'homme.
Je ne comprends pas qu'une main pure puisse toucher un journal sans une convulsion de dégoût.

CHARLES BAUDELAIRE, Mon coeur mis à nu, in Oeuvres complètes, Paris, NRF/Gallimard, 1954, «Bibliothèque de La Pléiade», p. 1231

Edward Hopper, Room in New York, 1932 : huile sur toile



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