mercredi 12 février 2014

Poésie pour Zélie

Réédition du  Billet 303 mis en ligne le 24 décembre 2009, ce qui va me permettre de ménager ma tendinite. Rien d'autre que le repos pour résorber ce que l'on appelait dans les siècles précédents la crampe de l'écrivain.
La souris destinataire de ce billet a évidemment bien grandi. Et plus encore celle qui me l'a inspiré. C'était une époque où le virus de la blogomanie ne m'avait pas frappé et où j'écrivais dans le silence sans contrainte de temps ou de consigne. Je ne regrette en rien ces jeux sur internet qui me relient à vous. 
Mais il est vrai que souvent me manque ce temps long de l'écriture solitaire que nécessiterait (pour ma façon d'écrire du moins) une envie d'élaborer des textes plus consistants.

Pour ma première participation aux jeudis en poésie, jolie idée proposée par Brunô pour Croqueurs de motsj'avais réédité une nouvelle fois ce poème, car vous savez peut-être que le mois précédent j'avais eu une nouvelle arrière petite nièce, c'était l'une de mes six vérités assorties d'un mensonge.

Humaine, rien qu'humaine  

Enfant de quelque part, enfant de nulle part
D'ici et de partout, d'un hameau, d'une maison
D'une région, d'une nation parmi près de deux cents
Sur l'infime poussière d'un brumeux univers.
Enfant né de l'union d'une femme et d'un homme
Dans leurs corps généreux d'un amour véritable,
Tu es un pont reliant les futurs au passé
A moins que ce ne soit les passés au futur.
Enfant de rien, enfant de tous,
Enfant de tout, enfant du vent
De la pluie, du soleil, de la nuit, de la vie.
Différent et semblable, tu te crois donc l'unique
Sic six autres milliards d'humains à l'identique.

Tu es la recombinaison toujours recommencée
De milliards de cellules, d'atomes, de photons
Ces milliards de milliards d'ondes qui te recréent
Et des grains de lumière qui fondent ton image,
Qui te sont inconnus, étrangers ou masqués,
Et pourtant familiers dans tes plis mémoriaux
Effleurant dans tes rêves et dans tes émotions,
Arrivant incongrus de la nuit de nos temps,
Allant vers l'autre fin des horizons lointains,
Fin certes provisoire comme la porte fermée
Par l'huis clos et borné toujours reverrouillé
De l'humaine tant humaine arrogante ignorance.
Comme Socrate et Spinoza, Galilée ou Mani
Ou Giordano Bruno sages inécoutés,
Ces sages conspués ou bannis ou tués
Au nom de certitudes dérisoires, éphémères.

Enfant tu es surtout, enfant tu es seulement
L'humain que tu deviens constant et volatile.
Ces milliards de milliards de recombinaisons
Te déterminent ainsi, à l'instant et demain
En apparence Même et pourtant déjà Autre.
Leur multitude mime au détour du conscient
L'aléa du hasard ou la nécessité
La prédestination de tant de religions
Ou l'illusion féconde de la liberté
Humble humain re-naissant de l'enfant re-créé
Il n'est pas d'autre choix que ce chemin suivi
Dans un passé fini qui t'échappe à jamais.
Le comprendre en effet peut éclairer la route
L'assumer, un combat redoutable sans doute
Et pourtant prometteur d'un fardeau moins pesant
Pour regarder, sans plus se retourner, devant
Debout digne et serein comme lavé à grands seaux
De tous ces vains chagrins, de ces mauvais procès
Assombrissant ta vie et taclant ta santé
Et ce qui te relie aux autres en nourrissant
Ton nectar, ton suc, ta substance de vie.
Vas, vis, respire, aime et enfin partage
La liberté fondamentale de l'évidence,
Dans cette immensité de l'espace et du temps
Ta plus proche compagne, ton ami exigeant
L'alliée infaillible de ton humanité
Qui loin de t'isoler te relie aux vivants :
Essentielle et féconde, infinie Solitude.
                                 Jeanne Fadosi, version du 23 février 2007



Poème écrit pour la naissance d'un enfant, et cela aussi c'est une histoire merveilleuse toujours au commencement
Dédicace écrite également à l'époque
Je dédie ce poème à tous ceux que j'aime, à tous ceux qui s'aiment, à tous ceux qui attendent une parcelle de gentillesse, aux enfants de Don Quichotte, à l'inconnu qui a souri, au malade qui s'oublie, à celui qui a faim, à celui qui a mal, à celui qui rayonne et qui par son action, fait reculer l'injustice et la cruauté, bataille toujours recommencée.
Je pourrais aussi, si j'osais, le dédier à Aimé Césaire, qui a quitté cette vie  le 17 avril 2008 à l'âge vénérable de 94 ans et qu'un adulte lucide et généreux m'a fait découvrir dans la foulée de ma lecture de « La case de l'oncle Tom » (ne riez pas, j'avais 9 ans) et à qui je dois avec d'autres auteurs, d'avoir pressenti, dans l'humain, l'universel, à travers son essentielle singularité et ses racines locales, sans peur et sans rejet de l'autre, sans haine, mais pas sans colère ou révolte.

Et comme je n'avais pas attendu qu'il fasse froid pour dénoncer le mal logement, j'avais réédité un autre texte pour les mots de tête dans le billet suivant, Le silence des maux...* J'avais le choix entre plusieurs.

* Par une cruelle coïncidence, alors que ce billet n'était encore que programmé pour 7 heures du matin ce jeudi 12 février 2014, un incendie s'est déclaré dans une cabane d'un camp de Roms de Bobigny vers 5h45. Le feu a été maîtrisé une heure plus tard mais une fillette manquait à l'appel lors de l'évacuation.
Une fillette de 8 ans a été retrouvée morte brulée dans les décombres.
Je ne sais s'il s'agit de la petite disparue ou d'une autre mais je lui dédie ce poème, pour que ces cruautés gratuites, nées de la peur, de la cupidité des chefs, de la bêtise, reculent enfin de façon significative.
Pour que la détresse ne soit plus une compagne inévitable.


La liste des prénoms chez Jill Bill (Jill Bill nous a déjà concocté une liste de prénoms pour l'automne)
Avec un salut amical spécial à  Bigornette , 
Présidente d'honneur de La cour de récré de JB