jeudi 11 décembre 2014

Le vieux Chat et la jeune Souris, de Jean de la Fontaine

Quartier libre pour les jeudis en poésie du Défi n°135 des CROQUEURS DE MOTS piloté par lilousoleil
Alors prolongeons un peu la compagnie des chats. Et donnons crédit à Buffon (Le chat début ou texte complet) qu'il y avait encore fort à faire un siècle après La Fontaine pour réhabiliter le félin malaimé depuis les débuts du Moyen-âge, quoique utilisé pour chasser les rongeurs.

Le vieux Chat et la jeune Souris

Une jeune souris, de peu d'expérience, 
Crut fléchir un vieux chat, implorant sa clémence, 
Et payant de raisons le Raminagrobis.
          « Laissez-moi vivre: une souris 
          De ma taille et de ma dépense 
          Est-elle à charge en ce logis? 
          Affamerais-je, à votre avis, 
          L'hôte, l'hôtesse, et tout leur monde?
          D'un grain de blé je me nourris :
          Une noix me rend toute ronde.
A présent je suis maigre; attendez quelque temps 
Réservez ce repas à Messieurs vos enfants. »
Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
          L'autre lui dit: « Tu t'es trompée:
Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours ?  
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner! cela n'arrive guères.
          Selon ces lois, descends là-bas, 
          Meurs, et va-t'en, tout de ce pas;
          Haranguer les sœurs filandières :  
Mes enfants trouveront assez d'autres repas. » 
          Il tint parole.
                              Et pour ma fable 
Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir;
          La vieillesse est impitoyable.

Jean de La Fontaine, Fable V, Livre XII.


illustration de Gustave Doré pour la fable de La Fontaine